par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 8 septembre 2015, 14-14208
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Cour de cassation, chambre commerciale
8 septembre 2015, 14-14.208

Cette décision est visée dans la définition :
Aval




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu les articles L. 512-1 et L. 512-2 du code de commerce, ensemble l'article 1120 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir procédé à l'ouverture d'un compte courant au nom de la société Ital fruit France (la société), représentée par Mme X..., la société Crédit du Nord (la banque) lui a consenti une facilité de caisse par découvert en compte courant et une ligne de crédit de trésorerie permanente, qualifiée de crédit de campagne, de 100 000 euros sous la forme d'un effet de commerce à échéance à un mois, à chaque fois renouvelé ; qu'après avoir dénoncé les conventions liant les parties et clôturé le compte de la société, la banque a assigné Mme X..., en sa qualité d'avaliste, en paiement du dernier effet émis par la société ;

Attendu que pour dire valable l'engagement donné par Mme X... et la condamner à payer à la banque la somme de 100 000 euros, l'arrêt, après avoir relevé que l'effet litigieux, qui ne comportait aucune signature du tireur, ne valait pas lettre de change et qu'il n'y avait pas d'aval cambiaire valable de cet effet, retient que la mention manuscrite d'aval accompagnée de sa signature a été apposée par Mme X..., qui est la gérante de la société, pour obtenir le renouvellement du crédit de campagne accordé à sa société par la banque et en déduit qu'il constitue un engagement personnel de sa part, par lequel elle a promis à la banque que la société paierait sa dette à l'échéance convenue, qu'elle s'est ainsi portée fort de l'engagement pris par la société et que cet engagement pris par le dirigeant de l'entreprise n'était soumis à aucun formalisme particulier ; qu'il retient encore que, la société n'ayant pas règlé ladite somme, le résultat promis par Mme X... n'a pas été obtenu, de sorte que cette dernière, qui s'est engagée personnellement à ce que la société paierait sa dette, doit indemniser la banque de sa créance impayée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'aval d'un effet de commerce irrégulier en raison d'un vice de forme est lui-même nul et ne vaut pas promesse de porte fort, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Crédit du Nord aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit valable l'engagement donné par Madame X... à la Société IFF et, assortissant sa décision du bénéfice de l'exécution provisoire, de l'avoir condamnée à payer au Crédit du Nord la somme de 100. 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2009 avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil à compter du 10 novembre 2009 ;

Aux motifs propres qu': « (...) en application de l'article L. 511-1 du code de commerce, la lettre de change doit contenir la signature de celui qui émet la lettre dénommé tireur ; que cette signature est apposée, soit à la main, soit par tout procédé non manuscrit ; que le titre dans lequel cette signature fait défaut ne vaut pas comme lettre de change ; (...) qu'il est acquis que l'effet litigieux ne comporte aucune signature manuscrite du tireur, mais seulement le cachet commercial de la société Ital Fruit France ; que ce cachet ne constitue pas un procédé non manuscrit de signature et ne peut valoir signature de l'effet comme il est exigé par l'article précité ; que d'ailleurs la plupart des 47 effets précédents ont été signés par la société Ital Fruit France en qualité de tireur et de tiré ; (...) que c'est, en conséquence, à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'effet en cause ne valait pas lettre de change ; que l'appel incident du Crédit du Nord de ce chef est mal fondé ; qu'il n'y a pas d'aval cambiaire valable de cet effet ; (...) qu'il n'est pas contesté par les parties que la mention d'aval apposée par Madame X... sur la lettre de change invalidée ne vaut pas cautionnement en l'absence des mentions manuscrites exigées par les articles L. 313-7 et L. 313-8 du code de la consommation ; (...) que la mention manuscrite d'aval accompagnée de sa signature a été apposée par Madame X..., qui est la gérante de la société Ital Fruit France, pour obtenir le renouvellement du crédit de campagne de 100. 000 euros accordée à sa société par le Crédit du Nord, chaque mois depuis 46 mois, comme elle l'a fait depuis plus de trois ans ; qu'elle constitue un engagement personnel de sa part, par lequel elle promet au Crédit du Nord que la société, qu'elle dirige, payera sa dette à l'échéance convenue fixée au 31 août 2008 ; qu'elle s'est ainsi portée fort de l'engagement pris par la société Ital Fruit France et s'est engagée accessoirement à satisfaire à l'engagement principal, si la société n'y satisfait pas conformément aux dispositions de l'article 1120 du code civil ; que cet engagement pris par le dirigeant de l'entreprise, qui sait ce qu'il fait et pourquoi il le fait, n'est soumis à aucun formalisme particulier ; (...) qu'il n'est pas contesté que la société Ital Fruit France n'a pas réglé la somme de 100. 000 euros au Crédit du Nord, qui a mis à sa disposition cette somme dans le cadre d'un crédit renouvelé chaque mois depuis plusieurs années ; que le résultat promis par Madame X... n'a pas été obtenu ; (...) qu'ainsi Madame X..., qui s'est engagée personnellement à ce que la société Ital Fruit France paye sa dette de 100. 000 euros, doit indemniser le Crédit du Nord de sa créance impayée ; qu'il convient de la condamner à payer cette somme à la banque avec intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2009 jusqu'à parfait paiement ; (...) que Madame X... est ainsi mal fondée en son appel et sera déboutée de toutes ses demandes ; que le jugement déféré sera confirmé (arrêt attaqué p. 4, § 3 au dernier et p. 5, § 1 à 3) » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que : « (...) Mme X... soutient que l'effet de commerce qu'elle a signé en tant qu'avaliste est un billet à ordre bien qu'il porte la mention « lettre de change » au motif qu'il s'agit d'un engagement de la seule société Ital Fruit France de payer à échéance le Crédit du Nord, lequel serait nul au motif que fait défaut la signature de celui qui s'engage à payer ; Mais (...) que l'article L 511-1 du Code de Commerce dispose que tireur et tiré peuvent être la même personne, le tribunal dira que l'effet contesté est une lettre de change. (...) que l'article L 511-1 du Code de Commerce impose, sous peine de nullité qu'une lettre de change soit signée par le tireur et le tiré et que l'effet produit ne comporte qu'un cachet commercial d'Ital Fruit France à l'emplacement du tiré, le tribunal dira que, les mentions obligatoires faisant défaut, l'effet est frappé de nullité. Mais (...) que la pratique des parties pour matérialiser le crédit permanent octroyé par le Crédit du Nord à Ital Fruit France était de recourir régulièrement à de tels effets qui ne concernaient qu'elles-mêmes et revêtaient un caractère purement financier, le tribunal dira que l'effet litigieux traduit leur commune et réelle intention et constitue un commencement de preuve. (...) que si une mention d'aval portée sur une lettre de change non valide ne constitue pas une preuve de cautionnement, mais vaut un commencement de preuve, l'aval de Mme X... est, dans le cas présent, corroboré par un élément extrinsèque établissant sa volonté de s'engager pour Ital Fruit France, en l'occurrence, sa qualité de gérante. (...) que si l'effet ne porte que la signature de Mme X... et que la même personne ne peut être à la fois souscripteur et donneur d'aval, il résulte de la commune intention des parties, dont témoignent les 47 précédents effets émis en représentation du crédit accordé, que l'engagement de Mme X... était personnel. (...) qu' en outre, (...) la banque avait la faculté de ne pas inscrire ces effets dans le compte courant ordinaire de la société Ital Fruit France et qu'il ne saurait lui être fait grief de l'avoir inscrit au débit d'un autre compte. Le tribunal dira valable l'engagement donné par Mme X... et la condamnera (...) à payer au Crédit du Nord la somme de 100. 000, 00 € avec intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2009, les intérêts échus depuis plus d'un an portant eux-mêmes intérêt conformément à l'article 1154 du Code Civil, à compter du 10 novembre 2009, date d'assignation » (jugement p. 9, § 2 à pénultième) ;

1°) alors, d'une part, que l'aval porté sur un billet à ordre irrégulier au sens des articles L. 512-1 et L. 512-2 du code du commerce peut constituer un cautionnement ; qu'à défaut de répondre aux prescriptions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, un tel cautionnement est nul ; qu'il ressortait des propres constatations de la cour d'appel que l'effet litigieux ne pouvait valoir lettre de change faute de comporter la signature du tireur et qu'il ne pouvait y avoir d'aval cambiaire valable de cet effet, la mention d'aval de Madame X... ne valant pas cautionnement en l'absence des mentions manuscrites exigées par les articles L. 313-7 et L. 313-8 du Code de la consommation (arrêt attaqué p. 4, § 4 à 6) ; qu'en considérant cependant que la mention d'aval de Madame X... l'engageait motifs pris de ce qu'elle se serait engagée personnellement et que : « cet engagement pris par un dirigeant de l'entreprise, qui sait ce qu'il fait et pourquoi il le fait, n'est soumis à aucun formalisme particulier » (arrêt attaqué p. 4, § pénultième), la Cour d'appel a violé les dispositions des articles susvisés ;

2°) alors, d'autre part, que l'engagement par lequel une personne se porte-fort de l'exécution de l'engagement principal d'un tiers constitue un engagement accessoire à celui-ci et ne saurait exister que sur un engagement valable ; que la Cour d'appel, qui a expressément retenu que l'effet litigieux n'engageait pas la Société IFF dans la mesure où « l'effet en cause ne valait pas lettre de change » (arrêt attaqué p. 4, § 5), ne pouvait en même temps considérer valable l'aval apposée par Madame X... sur cet effet de commerce en ce qu'elle « s'est ainsi portée fort de l'engagement pris par la société Ital Fruit France » (arrêt attaqué p. 4, § pénultième) ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des dispositions de l'article 1120 du Code civil.

3°) alors, enfin, qu'en énonçant que la mention d'aval apposée par Madame X... sur la lettre de change invalidée ne valait pas cautionnement en l'absence des mentions manuscrites exigées par les articles L. 313-7 et L. 313-8 du code de la consommation mais que cette même mention manuscrite d'aval accompagnée de sa signature constituait un engagement personnel, par lequel elle promet au Crédit du Nord que la société qu'elle dirige payera sa dette à l'échéance convenue et qu'elle s'est ainsi portée fort de l'engagement pris par la société Ital Fruit France, la cour d'appel a disqualifié un tel aval irrégulier en garantie personnelle ou promesse de porte-fort, vidant ainsi de toute substance, les dispositions d'ordre public du droit cambiaire et du droit de la consommation en violation des articles L. 512-1 et L. 512-2 du code du commerce et L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.