par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 20 octobre 2010, 09-68141
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
20 octobre 2010, 09-68.141

Cette décision est visée dans la définition :
Assistance éducative




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 561 du code de procédure civile ;

Attendu que Y... X..., née le 3 septembre 1993, des relations de M. X... et C..., a vécu avec son père au décès de sa mère, intervenu en juillet 1999, puis a été placée dans un établissement par ordonnance du juge des enfants du 18 novembre 2003, pour être ensuite confiée à ses oncle et tante, M. et Mme Z..., en qualité de tiers dignes de confiance par décision du 9 novembre 2005, cette mesure étant renouvelée par décisions successives jusqu'au jugement du 30 juin 2008, qui a également maintenu la suspension de tout droit d'hébergement, de visite et de correspondance entre la mineure et son père ;

Attendu que pour confirmer cette décision, l'arrêt retient que l'effet dévolutif de l'appel n'autorise la cour d'appel qu'à apprécier le bien fondé d'une décision d'assistance éducative au jour où elle a été prononcée sans prendre en compte l'évolution subséquente de la situation de l'enfant et de ses parents dont le juge des enfants reste saisi en application des dispositions de l'article 375-6 du code civil, lequel énonce que les décisions peuvent être à tout moment modifiées ou rapportées par le magistrat qui les a rendues et que la reprise des liens entre M. X... et sa fille à l'occasion de visites et la volonté exprimée par celle-ci de retourner vivre chez lui suite à un conflit avec M. Z... sont des éléments postérieurs à la décision attaquée dont le juge des enfants ne disposait pas, ne pouvant être pris en compte pour apprécier le bien-fondé de sa décision ;

Qu'en statuant ainsi, alors que si le juge des enfants peut à tout moment modifier ou rapporter ses décisions, il incombe à la cour d'appel de se placer au moment où elle statue pour apprécier les faits, celle-ci a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne les époux Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la cour d'appel D'AVOIR confirmé la décision du juge des enfants de maintenir le placement de Y... X... chez Monsieur et Madame Z... ;

AUX MOTIFS QUE « Il a également été fait grief au jugement de s'en être remis au désir de la mineure de ne pas reprendre les relations avec son père.

Si le Juge a pris en compte le sentiment du Y..., il n'a pas pour autant délégué à celle-ci son pouvoir de décision et a intégré de nombreux autres facteurs.

Les allégations de M. X... selon lesquelles Y... aurait été conditionnée par les époux Z... et par les services sociaux ne reposent sur aucun fait précis et se heurtent au fait que la mineure a pu exprimer un avis différent devant la Cour.

Il en va de même de la mise en cause de M° A... qui a écrit le 23 janvier 2009 à M. le Président de la Chambre des Mineurs pour préciser que les rapports avaient évolué entre Y... et M. X... et que celle-ci est en demande de voir rétablir des liens avec son père, démontrant ainsi son souci d'être fidèle à la volonté exprimée par la mineure.

L'appelant a d'ailleurs invoqué ce revirement de Y... qui a confirmé à l'audience qu'elle souhaitait retourner vivre chez son père.

Toutefois, l'effet dévolutif de l'appel n'autorise la Cour qu'à apprécier le bien fondé d'une décision d'assistance éducative au jour où elle a été proposée sans prendre en compte l'évolution subséquente de la situation de l'enfant et de ses parents dont le Juge des Enfants reste saisi en application des dispositions de l'article 375-6 du Code civil, lequel stipule que les décisions peuvent être à tout moment modifiées ou rapportées par le magistrat qui les a rendues ;

La reprise des liens entre M X... et sa fille à l'occasion de visites et la volonté exprimée par celle-ci de retourner vivre chez lui suite à un conflit avec M Z... sont des éléments postérieurs à la décision attaquée dont le Juge des Enfants ne disposait pas. Ils ne peuvent être pris en compte pour apprécier le bien fondé de sa décision. »

ALORS QU'en refusant de prendre en considération le fait que Y... X... était en demande de voir rétablir des liens avec son père au prétexte qu'il s'agissait d'éléments postérieurs à la décision attaquée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi violé les articles 561, 563 et 565 du code de procédure civile ;

ALORS QU'en ne prenant pas en considération le souhait de l'enfant de retourner vivre chez son père, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi violé les articles 561, 563 et 565 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à la cour d'appel D'AVOIR confirmé la décision du juge des enfants de maintenir le placement de Y... X... chez Monsieur et Madame Z... ;

AUX MOTIFS D'UNE PART QUE « les motifs essentiels du renouvellement du placement par la décision attaquée sont pour l'essentiel les mêmes que ceux déjà évoqués dans les décisions précédentes :

- personnalité de M. X... de type paranoïaque marquée par l'orgueil, la surestimation de soi, la méfiance, la psychorigidité, pouvant mettre en péril les relations père fille voir l'équilibre psychologique de Y...,
- absence d'évolution et de remise en cause de son fonctionnement par M X...,
- intolérance du père à l'intervention de tiers dans l'éducation de sa fille et notamment éloignement de la famille maternelle,
- nécessité de tiers dans cette relation père / fille qui, sinon, serait périlleuse.


M. X... bénéficiait déjà de conditions de vie et d'une situation professionnelle stable et élevait dans de bonnes conditions sa seconde fille au moment où a été rendu ledit arrêt.

Ces éléments ne font pas disparaître les difficultés qui caractérisent ses relations avec Y... qui résultent de son histoire et de sa personnalité propres.

Le fait que M. X... suive une psychothérapie pour se remettre en question n'est pas non plus nouveau puisque ce travail a débuté en 2003 et force est de constater, au vu du nombre et de la teneur des courriers annexés au dossier, que les résultats se font attendre.


Ces observations tirées des pièces du dossier confortent l'opinion des experts selon laquelle l'absence de tiers dans la relation père fille paraît tout à fait périlleuse et celle du premier juge selon laquelle, à la date où le renouvellement du placement a été décidé, le retour de Y... chez son père aurait mis gravement en péril son équilibre psychologique.

Il convient encore de préciser que le refus par M X... de toute ingérence extérieure rend illusoire l'efficacité d'une mesure de milieu ouvert de sorte que le placement apparaît bien comme la seule solution pour soustraire la mineure au danger ci-dessus évoqué. »

ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait sans caractériser, au jour où elle statuait, le danger qu'encourait Y... X... à retourner vivre dans sa famille naturelle, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 375 et 375-2 du code civil ;

AUX MOTIFS D'AUTRE PART QUE :

« Les dispositions de l'article 8 de la CEDH préservant le droit à la vie familiale invoquées par M. X... ne sauraient prévaloir contre le droit du mineur à un développement psycho affectif normal.


C'est donc à bon droit que le Juge des Enfants a renouvelé le placement de la mineure chez sa tante.

S'agissant de la suspension de tout droit d'hébergement, de visite, de sortie, de correspondance de quelque nature que ce soit, cette mesure rigoureuse était le seul moyen d'éviter que Y... et sa tante ne soit déstabilisées et le placement de la mineure chez celle-ci mis à mal par le harcèlement dont M. X... a accablé la MECS du Château de Vaucelles ainsi que d'empêcher les pressions sur sa fille.

Cette restriction, pour exceptionnelle et cruelle qu'elle apparaisse, n'en était pas moins nécessaire dans l'intérêt de la mineure et devra également être confirmée.

Il appartient toutefois au Juge des Enfants de tirer les conséquences des difficultés rencontrées par Y... dans ses relations avec son oncle et du rapprochement qui s'est opéré entre M. X... et sa fille en donnant à celui-ci l'opportunité de reconstruire sur de bonnes bases ses relations avec Y... en tirant les leçons des crises passées et en prenant la mesure des besoins de Y... notamment celui de conserver les deux liens d'attachement fondamentaux dans sa vie.

L'absence de conflits de M. X... avec sa fille D... et avec sa compagne, et sa bonne insertion professionnelle montrent qu'une reprise durable des liens avec Y... est possible si les efforts sont faits en ce sens ».

ALORS QU'en se bornant à considérer que la reprise durable des liens avec Y... serait possible si des efforts sont faits en ce sens, quand il résulte des constatations de l'arrêt que Y... est séparée de sa famille naturelle, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard des articles 371-5 et 375-7 du code civil, ensemble de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.



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Cette décision est visée dans la définition :
Assistance éducative


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.