par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 18 novembre 2009, 08-19419
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Cour de cassation, chambre sociale
18 novembre 2009, 08-19.419

Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en référé, que la société MBP marketing and business product (MBP) a conclu le 12 septembre 2005 avec la société Armor un engagement de confidentialité aux termes duquel les parties s'engageaient à se fournir mutuellement des informations à caractère économique et commercial et à ne pas recruter l'un des salariés de l'autre avec lequel elle aurait été en contact dans le cadre des échanges d'information, et ce pendant deux ans à compter de la cessation du contrat ; qu'une liste était annexée au contrat, mentionnant les salariés concernés, au nombre desquels figurait M. X..., directeur commercial de la société Armor ; que celle-ci a licencié l'intéressé le 21 mars 2007 ; que M. X... a été engagé par la société MBP en qualité de directeur du développement ; qu'estimant que la société MBP avait violé l'accord de confidentialité et commis des actes de concurrence déloyale, la société Armor a saisi la juridiction commerciale pour qu'elle soit condamnée à mettre un terme à toute collaboration avec M. X... ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article 873 du code de procédure civile ;

Attendu que pour accueillir la demande, l'arrêt retient que le recrutement de M. X..., intervenu en violation de l'accord de confidentialité, constitue un trouble manifestement illicite ;

Attendu, cependant, que, pas plus que le juge du principal, le juge des référés n'a pas le pouvoir, à la demande d'un tiers, d'ordonner la résiliation d'un contrat de travail ni de prendre une mesure entraînant la rupture de celui-ci ;

Qu'en ordonnant une mesure contraignant l'employeur à rompre le contrat de travail conclu avec l'un de ses salariés, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs ;

Et vu l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, en ses seules dispositions ordonnant à la société MBP de mettre un terme à toute collaboration avec M. X... et ordonnant sa publication, l'arrêt rendu le 1er juillet 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la société Armor aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux conseils pour la société MBP Marketing

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société MPB MARKETING AND BUSINESS PRODUCT à mettre un terme immédiatement et totalement à toute collaboration, quelle qu'en soit la forme, avec Monsieur Jean-Philippe X..., sous astreinte provisoire de 1. 000 par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt et d'avoir ordonné la publication de l'arrêt dans des organes de presse qu'elle a mentionnés, dans la limite d'un budget maximum de 30. 000 qu'elle a mis à sa charge,

AUX MOTIFS QUE la société MBP, en sollicitant et recrutant, le 6 juin 2007, Monsieur Jean Philippe X...,- salarié d'ARMOR (encore en période de préavis non exécuté jusqu'au 20 juin 2007),- salarié faisant lui-même partie de la liste des personnes nommément désignées que la société MBP s'est interdite de recruter aux termes de la clause de non sollicitation, et ce, alors que les échanges d'information étaient toujours en cours entre les deux sociétés et que l'engagement prévoit une période d'interdiction réciproque de recrutement pendant deux ans après l'arrêt définitif des échanges d'informations, a commis une grave violation d'une de ses obligations contractées dans l'engagement de confidentialité, violation en tout état de cause constitutive, eu égard notamment aux fonctions de Monsieur Jean-Philippe X... au sein de la société ARMOR, d'un acte délibéré de concurrence déloyale ;

que la société ARMOR justifiait dès lors du plus grand intérêt à ce qu'il soit mis un terme immédiat à l'atteinte manifeste qui a été portée à ses droits ;

qu'il existe bien en l'espèce un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser par l'obligation de se séparer de Monsieur X..., l'obligation de restituer les documents, la publication de la décision ;

que tout d'abord, l'interdiction de recrutement souscrite par la société MBP ne souffrant aucune discussion, il convenait de condamner la société MBP à mettre un terme immédiatement et de façon totale à toute collaboration, quelle qu'en soit la forme, avec Monsieur Jean Philippe X... ;

qu'afin d'assurer l'efficacité de cette condamnation, il convenait également de l'assortir d'une astreinte provisoire de 1000 par infraction constatée à compter de la signification de l'ordonnance déférée le juge de première instance a indiqué à tort devoir décliner sa compétence pour connaître de cette demande au profit du Conseil de Prud'hommes de NANTES au motif qu'il ne pouvait, " examiner la validité du contrat de travail de Monsieur X... " ; que la demande de la société ARMOR ne consistait (et ne consiste toujours) nullement à contester la validité du contrat de travail conclu entre la société MBP et Monsieur Jean Philippe X... mais uniquement à ce que la société MBP se mette en conformité avec les engagements de nature strictement commerciale qu'elle a pris à l'égard de la société ARMOR ;

que sur le fond de la question, le juge de première instance a justement énoncé que la société MBP avait " recruté Monsieur X... en violation d'un accord entre les parties du 12 septembre 2005 " ; que tirant les conséquences de cette violation caractérisée, la Cour, par stricte application du contrat en date du 12 septembre 2005, condamnera la société MBP à mettre un terme effectif à sa collaboration avec Monsieur Jean Philippe X... qu'elle s'était interdit de mettre en place ; que cette demande qui n'intéresse que les rapports entre les sociétés ARMOR et MBP ressortit de la seule compétence du juge commercial à l'exclusion de celle du juge prud'homal ;

ALORS QU'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de condamner une société à mettre un terme au contrat de travail la liant à un salarié de sorte qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 873 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société MBP MARKETING AND BUSINESS PRODUCT SAS à payer à la société ARMOR la somme provisionnelle de 50. 000 à valoir sur ses dommages et intérêts et ordonné la publication de l'arrêt dans des organes de presse qu'elle a mentionnés, dans la limite d'un budget maximum de 30. 000 qu'elle a mis à sa charge ;

AUX MOTIFS QUE la violation de cet engagement de confidentialité est avérée et démontre que la société MBP SAS entendait, en recrutant un salarié tel que Monsieur Jean Philippe X..., salarié bénéficiant d'une position-clef au sein des équipes commerciales Bureautique et Informatique de la société ARMOR, en lui donnant une définition de fonctions similaire, voire identique, à celle qu'il exerçait antérieurement au sein de la société ARMOR (" accroître les parts de marché déjà acquises, développer le portefeuille client et ouvrir la société à de nouveaux produits ") ; que quand bien-même serait-il fait usage du titre de " Directeur du Développement " ; qu'en recrutant en violation de ses propres engagements, " un professionnel du secteur ", chargé de " renforcer ainsi la structure (de la société MBP) ", (qu'il ne pourra, par définition, " renforcer " qu'en faisant bénéficier son nouvel employeur de l'ensemble des connaissances qu'il a acquises de et sur la société ARMOR) ; que commettre sciemment un acte de concurrence déloyale à l'encontre de la société ARMOR SA, en violant délibérément les engagements de confidentialité auxquels elle avait antérieurement souscrit ; qu'en outre, du fait de la position qu'il occupait au sein de la société ARMOR SA, Monsieur Jean Philippe X... était rendu destinataire de documents stratégiques et marketing concernant laser, jet d'encre, plans d'actions commerciaux ; qu'il est apparu que Monsieur Jean Philippe X..., en quittant la société ARMOR, n'a laissé dans son bureau aucun de ces documents ;

qu'il est constant que les événements survenus après son départ et particulièrement son embauche par la société MBP ont légitimement fait craindre à la requérante que tout ou partie des documents stratégiques que Monsieur Jean Philippe X... possédait sur la société ARMOR aient été portés à la connaissance de la société MBP ou soient sur le point de l'être ;

que cette situation, qui ajoute à la gravité de l'acte de la société MBP vis-à-vis de la société ARMOR, est source également d'une violation par Monsieur Jean Philippe X... de l'obligation de confidentialité souscrite lors de son embauche à l'endroit de l'intimée ;

que par ailleurs, compte tenu de la disparition lors du départ de la société ARMOR SA de Monsieur Jean Philippe X..., de documents stratégiques et du fait que des personnes de l'entreprise ont vu ce dernier emporter avec lui de nombreux documents, cette société (ARMOR SA) a souhaité que toute investigation utile puisse être faite dans les locaux de la société MBP SAS, aux fins de déterminer si celle-ci détient sur quelque support que ce soit un ou plusieurs documents relatifs à la requérante ; qu'il résulte du constat d'huissier de justice en date du 18 juin 2007 que Monsieur Jean Philippe X... est effectivement aujourd'hui salarié de la société MBP conformément aux craintes de la société ARMOR et ce depuis le 6 juin 2007 alors même, que son préavis à l'égard d'ARMOR s'achevait le 20 juin 2007 ; qu'il a été retrouvé au sein même des locaux de MBP un nombre considérable de documents propriété de la société ARMOR, de nature strictement confidentielle et stratégique d'un point de vue commercial ; qu'il y a notamment été trouvé 20 CD ROM et nombre de dossiers clients et en particulier les plus importants qui représentent à eux seuls près de 75 % du chiffre d'affaires réalisé par ARMOR dans ce secteur d'activité ;

que la violation de l'engagement de non recrutement par la société MBP est manifeste ; que sa volonté de tirer un parti particulièrement illégitime ne l'est pas moins compte tenu de la nature et de l'importance en nombre des documents retrouvés au siège de la société MBP ; que la société ARMOR justifiait dès lors du plus grand intérêt à ce qu'il soit mis un terme immédiat à l'atteinte manifeste qui a été portée à ses droits ;

que la société MBP après avoir abandonnée l'argumentation relative à la législation sur les ententes prohibées, fait valoir en substance qu'elle n'aurait pas contrevenu aux dispositions de l'article 5 de l'accord du 12 septembre 2005 dès lors que Monsieur Jean-Philippe X... n'aurait plus été salarié d'ARMOR le jour où il a été recruté par la société MBP, qu'elle aurait agit de parfaite bonne foi en avisant du recrutement de Monsieur Jean Philippe X... le dirigeant de la société ARMOR qui n'aurait rien trouvé à redire, qu'elle n'aurait en tout état de cause utilisé aucun document appartenant à la société ARMOR ;

que sur le premier point, la clause de l'engagement de confidentialité opposée à la société MBP (article 5) s'entend comme une obligation de non recrutement et non comme une clause de non débauchage ; que le fait que Monsieur Jean Philippe X... ait ou non été salarié d'ARMOR lors de son embauche par MBP est indifférent à l'appréciation de la faute de l'appelante qui s'était engagée à ne pas recruter cette personne jusqu'à l'expiration d'une durée de deux ans après la fin des échanges d'informations entre ARMOR et MBP ; qu'en tout état de cause, force est de constater que Monsieur Jean-Philippe X... était le 6 juin 2007 toujours salarié de la société ARMOR ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article L. 122-8 du Code du travail, du registre du personnel, du dernier bulletin de paye de Monsieur Jean-Philippe X..., qui mentionne bien une rémunération jusqu'au 20 juin 2007, des attestations établies par ARMOR le 6 juin 2007 ; qu'il est constant, dans ces conditions, que la société MBP ne saurait tirer argument d'une simple erreur matérielle portée sur le certificat de travail établi le 30 avril 2007 (date correspondant à celle de son départ physique de la société ARMOR et non à la fin de son préavis non exécuté, qui, elle, était fixée au 20 juin 2007) pour contester la qualité de salarié de Monsieur Jean Philippe X... le jour de son recrutement par MBP ;

que sur le second point, la société ARMOR s'inscrit en faux contre les allégation non prouvées de la société MBP selon lesquelles cette dernière l'aurait préalablement informée du recrutement sans que cela n'appelle de contestation de l'intimée ; que des attestations sont versées aux débats, " qui démontrent l'inverse ;

que sur le troisième point, et quelles que puissent être les déclarations de bonnes intentions de la société MBP, sa mauvaise fois n'en est pas moins établie ; qu'il apparaît qu'il a bien été trouvé en son siège des documents de la plus haute importance et particulièrement stratégiques quant à la force commerciale de la société ARMOR ; qu'il a pu également être constaté que l'agenda de Monsieur Jean Philippe X... porte la mention de rendez-vous futurs avec des clients d'ARMOR (pièce séquestrée chez l'huissier) ; que la société ARMOR a, par ailleurs, immanquablement subi un préjudice lié au recrutement de Monsieur Jean Philippe X... par la société MBP, qui se l'était pourtant interdit ; que ce recrutement a permis à la société MBP d'avoir accès à un nombre considérable d'informations sur la politique commerciale et marketing de la société ARMOR à plus ou moins long terme, ainsi qu'à de nombreux dossiers clients " grands comptes " ;

que la déloyauté qui a entouré cette démarche ne fait pas de doute ; que le préjudice subi par ARMOR n'est pas plus contestable dans la mesure notamment où la société MBP connaît ainsi très exactement les conditions commerciales et tarifaires d'ARMOR pour la plupart de ses clients les plus importants, ainsi que l'ensemble de sa politique commerciale à court, moyen et long terme ;

Que cette " mise à nue " lui cause nécessairement un préjudice dont la société ARMOR est fondée à solliciter réparation ; que le principe de préjudice est établi et résulte notamment de la communication importante dont la société MBP a entouré le recrutement de Monsieur Jean Philippe X..., du fait que la société MBP n'a pas hésité dès après le recrutement, à se présenter à un congrès professionnel (UFIP A) qui se tenait à JUAN LES PINS au cours duquel des contacts ont été établis ouvertement et sans retenue avec des clients de la société ARMOR, du fait que nonobstant les'assignations (qui valent mise en demeure) délivrées à la société MBP, celle-ci n'a pas cru devoir de son propre chef mettre un terme à sa collaboration avec Monsieur Jean-Philippe X..., mais au contraire, s'est contentée d'une admonestation purement formelle malgré la gravité des fautes commises par ce dernier, du fait qu'il ne peut être ignoré que cette violation caractérisée des engagements pris, et ces manquements à la droiture, se sont accompagnés d'une captation systématique de la politique commerciale, tarifaire et marketing de la société ARMOR ; que l'ensemble de ces éléments permet de prendre la mesure de la gravité des fautes commises par la société MBP dans le but de spolier la société ARMOR ; que pour l'ensemble de ces raisons il sera alloué à l'intimée une provision de 50 000 F à valoir sur les dommages-intérêts qu'elle sollicitera devant le juge du fond ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le juge des référés ne peut, pour accorder une provision, trancher une contestation sérieuse sur l'interprétation des actes ou des pièces ; que pour accorder à la société ARMOR une provision à valoir sur la réparation de son préjudice, la Cour d'appel a considéré qu'elle avait subi un trouble illicite lié à l'embauche de Monsieur Jean-Philippe X...dont elle a considéré qu'elle était prohibée en application de la convention liant les parties, et ce alors que la société MBP que ce contrat ne s'opposait pas à l'embauche d'anciens salariés, mais qu'il interdisait seulement le débauchage si bien que la Cour d'appel a tranché une contestation sérieuse, liée à l'interprétation du contrat, en violation de l'article 873 du Code de procédure civile,

ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'article 5 de l'engagement de confidentialité prévoyait que chacune des parties s'interdisait de refuser les salariés de l'autre pendant deux ans à compter de la cessation dudit engagement de sorte qu'en considérant cependant que cette clause faisait également interdiction aux parties d'engager les anciens salariés de l'autre, la Cour d'appel l'a dénaturée en violation de l'article 1134 du Code civil,

ALORS, ENFIN, QUE les dispositions des articles L. 1234-4, L. 1234-5 et L. 1234-6 (anciennement L. 122-8) du Code du travail ne sont pas applicables lorsque l'inexécution du préavis est consécutive à la demande du salarié ; qu'en considérant que le 6 juin 2007, Monsieur Jean-Philippe X... était toujours salarié de la société ARMOR par application de l'article L. 123-8 du Code du travail, sans rechercher si l'inexécution du préavis n'était pas consécutive à la demande du salarié, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.



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Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.