par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 13 octobre 2009, 08-18224
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, chambre commerciale
13 octobre 2009, 08-18.224

Cette décision est visée dans la définition :
Masse




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


LA COUR, statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés Spie et Spie SCGPM que sur les pourvois incidents relevés par les sociétés SICRA, Dumez construction et Vinci construction, venant aux droits de la société GTM-BTP ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Paris, 3 juillet 2008), que saisi à quatre reprises par le conseil régional d'Ile-de-France (le CRIF) et par une saisine d'office, de diverses pratiques d'entente mises en œuvre dans le cadre de la construction ou la réhabilitation du patrimoine immobilier scolaire de la région Ile-de-France, le Conseil de la concurrence (le Conseil) a, par une décision n° 07-D-15 du 9 mai 2007, retenu que quatorze entreprises avaient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce et infligé à treize d'entre elles des sanctions pécuniaires ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal formé par les sociétés Spie et Spie SCGPM :

Attendu que les sociétés Spie et Spie SCGPM font grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elles ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce et de leur avoir infligé des sanctions pécuniaires, alors, selon le moyen :

1°/ que si le demandeur doit, lorsque la déclaration d'appel ne contient pas l'exposé des moyens invoqués, déposer cet exposé au greffe dans les deux mois qui suivent la notification de la décision du Conseil de la concurrence, il n'en reste pas moins recevable, lorsqu'il a satisfait à cette exigence, à invoquer des moyens nouveaux passé ce délai ; qu'en déclarant néanmoins irrecevables les moyens présentés par les sociétés Spie et Spie SCGPM dans leurs mémoires en réponse du 20 mars 2008, motif pris de ce que ce mémoire avait été déposé plus de deux mois après la déclaration d'appel, bien que les sociétés Spie et Spie SCGPM aient déposé, dans les deux mois de la déclaration d'appel, un premier mémoire contenant l'exposé des moyens invoqués, de sorte qu'elles étaient recevables à invoquer de nouveaux moyens ultérieurement, la cour d'appel a violé l'article R. 464-12 du code de commerce ;

2°/ que le conseil régional d'Ile-de-France avait déposé le 17 janvier 2008, soit postérieurement au délai de deux mois à compter de la notification de la décision du Conseil de la concurrence, un mémoire invoquant une délibération du 16 décembre 2005, autorisant son président à ester en justice, et avait produit cette délibération au soutien de son mémoire, afin de justifier de la recevabilité de la saisine du Conseil de la concurrence par son président ; que le moyen invoqué par elles dans leurs mémoires en réplique du 20 mars 2008, tendant à contester la recevabilité des saisines du Conseil de la concurrence au regard de cette délibération était par conséquent recevable, ce moyen ayant pour objet de répondre à un moyen invoqué par le conseil régional d'Ile-de-France ; qu'en déclarant néanmoins ce moyen irrecevable, comme ayant été invoqué plus de deux mois après la notification de la décision du Conseil de la concurrence, la cour d'appel a violé l'article R. 464-12 du code de commerce ;

3°/ que le Conseil de la concurrence avait déposé le 19 février 2008, soit plus de deux mois après la notification de la décision du Conseil de la concurrence, un mémoire invoquant une entente généralisée continue sur l'ensemble des marchés ; que le moyen invoqué par elles dans leurs mémoires en réplique du 20 mars 2008 avait pour objet de contester le prétendu caractère généralisé et continu de l'entente invoquée, dont il se déduisait que l'action exercée à leur encontre était prescrite ; que le moyen tiré de la prescription était par conséquent recevable, bien que formulé plus de deux mois après la notification de la décision du Conseil de la concurrence ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 464 12 du code de commerce ;

Mais attendu que les sociétés Spie et Spie SCGPM n'ayant présenté, dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision du Conseil, aucun moyen relatif à la recevabilité des saisines du CRIF, à l'incompatibilité de la transmission des pièces du dossier pénal avec les principes du procès équitable, ou à la prescription des pratiques qui leur étaient reprochées, c'est à bon droit que la cour d'appel faisant application des dispositions de l'article R. 464-12 du code de commerce a déclaré irrecevables les moyens nouveaux invoqués par ces sociétés dans leurs mémoires en réplique du 20 mars 2008 ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et sixième branches du pourvoi incident relevé par les sociétés Dumez construction et Vinci construction :

Attendu que ces sociétés font grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'elles ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce et d'avoir en conséquence condamné la société Vinci construction venant aux droits de la société GTM-BTP au paiement d'une amende, alors selon le moyen :

1°/ qu'en vertu du principe d'égalité des armes, chaque partie doit avoir la possibilité raisonnable d'exposer sa cause dans les conditions qui ne la désavantagent pas d'une manière appréciable par rapport à la partie adverse ; que désavantage de manière appréciable les entreprises poursuivies devant le Conseil de la concurrence la circonstance selon laquelle seule cette autorité administrative, à l'exclusion des personnes poursuivies, dispose de la faculté de se faire communiquer par les juridictions d'instruction ou de jugement des procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien direct avec les faits elle est saisie ; qu'en jugeant néanmoins régulière la procédure de transmission du dossier pénal, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'en vertu du principe d'égalité des armes, chaque partie doit avoir la possibilité raisonnable d'exposer sa cause dans les conditions qui ne la désavantagent pas d'une manière appréciable par rapport à la partie adverse ; que désavantagent de manière appréciable les entreprises poursuivies devant le Conseil de la concurrence la consultation de l'entier dossier de l'instruction par les membres du Conseil tel le rapporteur, puis la sélection, par ses soins, des pièces qu'il décide d'en extraire, dès lors que les entreprises ne peuvent s'assurer que d'autres pièces, de nature à démontrer leur absence de participation aux faits, n'ont pas été écartées de la sélection opérée par le rapporteur ; qu'après avoir constaté que seul le rapporteur avait pu consulter le dossier pénal et, partant, sélectionner personnellement les pièces qu'il jugeait utiles, ce dont résultait un déséquilibre significatif au détriment des entreprises poursuivies dépourvues d'un droit équivalent, peu important à cet égard que le juge d'instruction eût agréé a posteriori la transmission de ces pièces comme présentant une relation directe avec les faits dont le conseil de la concurrence était saisi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que si les juridictions d'instruction et de jugement peuvent communiquer, à la demande du Conseil de la concurrence, les procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien direct avec les faits dont le Conseil de la concurrence est saisi, le rapporteur du Conseil de la concurrence ne peut consulter, sur l'invitation du juge d'instruction, que les pièces ayant, selon l'appréciation de ce magistrat, un lien direct avec les faits dont est saisi le Conseil de la concurrence ; qu'après avoir expressément constaté que le rapporteur avait été admis à consulter l'ensemble du dossier pénal, et non les seules pièces préalablement sélectionnées par le magistrat instructeur comme présentant, dans son opinion, un lien direct avec les faits poursuivis, la cour d'appel, qui a néanmoins jugé régulière la communication du dossier pénal, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 463-5 du code de commerce ;

4°/ que le juge d'instruction peut communiquer au Conseil de la concurrence les pièces ayant, selon l'appréciation de ce magistrat instructeur, un lien direct avec les faits dont est saisi le Conseil de la concurrence ; qu'en affirmant que le magistrat instructeur avait mis à profit, pour s'assurer de la relation directe des pièces demandées avec les faits dont le Conseil de la concurrence était saisi, le délai écoulé entre l'invitation faite au rapporteur à prendre connaissance du dossier pénal, date à laquelle, par hypothèse, les pièces n'étaient pas encore sélectionnées ni, a fortiori, demandées, et la transmission effective des pièces par le magistrat instructeur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 463-5 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que la prérogative permettant au Conseil de demander, pour accomplir sa mission de protection de l'ordre public économique, aux juridictions d'instruction et de jugement la communication des procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien direct avec des faits dont il est saisi, lesquels sont à la suite de la notification des griefs, communiqués aux parties et soumis au débat contradictoire, ne constitue pas par elle même une atteinte au principe de l'égalité des armes ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt retient que même si seul le rapporteur a été admis à consulter le dossier ce qu'impose l'article 11 du code de procédure pénale relatif au secret de l'instruction, il est constant que les pièces sur lesquelles il a fondé les griefs ont fait l'objet d'un inventaire, qu'elles ont été cotées, versées au dossier, proposées à la consultation et soumises à la contradiction des parties poursuivies et que ces dernières ont, après la notification des griefs, disposé de la faculté de présenter des moyens et de produire les documents qu'elles estimaient utiles à la défense de leurs intérêts ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations dont elle déduit que la communication des pièces émanant de la procédure pénale obtenue conformément aux dispositions de l'article L. 463-5 du code de commerce, n'a pas été effectuée en violation du principe de l'égalité des armes, la cour d'appel n'a pas méconnu les dispositions invoquées ;

Et attendu, en troisième lieu, que c'est à bon droit que l'arrêt retient qu'aucune irrégularité ne saurait résulter de ce que, à la suite de la demande du Conseil, le juge d'instruction a informé le rapporteur qu'il pouvait prendre connaissance du dossier puis lui a transmis les pièces demandées après s'être assuré de leur relation directe avec les faits dont le Conseil était saisi ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal formé par les sociétés Spie et Spie SCGPM :

Attendu que ces sociétés font le même grief à l'arrêt, alors selon le moyen :

1°/ que les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionnés ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées ; qu'elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ; qu'en se bornant à affirmer qu'eu égard à sa participation à dix-huit appels d'offres, à l'obtention de deux marchés pour un montant global de 435 millions de francs et à son chiffre d'affaires pour l'année 2005 de 21 563 195 euros, la sanction prononcée, de 1 078 000 euros, était proportionnée et devait être maintenue, sans rechercher de façon concrète la gravité des faits reprochés à titre individuel à la société Spie SA, l'importance du dommage causé à l'économie par la société Spie SA, la situation particulière de la société Spie SA et une éventuelle réitération de pratiques prohibées conduisant la cour à sanctionner la société Spie SA au maximum de la sanction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce ;

2°/ les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionnés ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées ; qu'elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ; qu'en se bornant à affirmer que la société Spie SGCPM ayant soumissionné à neuf marchés et en ayant tenu deux pour un montant de 201 millions de francs, et ayant déclaré un chiffre d'affaires hors taxes de 146 834 482 euros, il convenait de maintenir à son encontre la sanction de 7 341 000 euros correspondant au maximum de la sanction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir précisé que la société Spie venait aux droits de la société Spie construction, auteur des pratiques sanctionnées, l'arrêt relève qu'il était démontré que cette dernière avait participé à l'entente dès le début et accepté à de nombreuses reprises, lorsqu'elle n'était pas attributaire, de déposer des offres de couverture, qu'elle avait obtenu deux marchés pour un montant global de 435 millions de francs (66 412 213 euros) et que la société absorbante Spie avait réalisé un chiffre d'affaires de 21 563 195 euros pour l'année 2005 ; que la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher d'autres éléments d'individualisation de la sanction qui était infligée à la société Spie en sa seule qualité d'absorbante de la société auteur des pratiques, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, d'autre part, qu'après avoir rappelé, d'un côté, l'extrême gravité des pratiques s'agissant de la répartition occulte des appels d'offres sur les marchés de construction les plus importants de la région Ile-de-France, pour un montant total de 10 milliards de francs (1 526 717 550 euros) et se singularisant par leur durée, leur complexité et leur caractère répété, de l'autre, le dommage exceptionnel causé à l'économie résultant du surcoût engendré par les pratiques sur les marchés en cause, l'arrêt précise que la société Spie SCGPM ayant soumissionné à neuf marchés et en ayant obtenu deux pour un montant de 201 millions de francs (30 687 023 euros), a réalisé un chiffre d'affaires hors taxes de 146 834 482 euros en 2005 ; qu'ayant ainsi caractérisé la gravité des pratiques, le dommage à l'économie, et recherché les éléments propres à la situation individuelle de la société Spie SCGPM, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen du pourvoi incident relevé par les sociétés Dumez construction et Vinci construction et le troisième moyen du pourvoi incident relevé par la société SICRA, réunis :

Attendu que ces sociétés font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que le dommage à l'économie s'entend du rapport entre la perturbation d'un secteur et le gain global que retirent du marché l'ensemble des consommateurs et des entreprises ; qu'en résumant le dommage à l'économie à un supposé surcoût du prix des marchés considérés, sans évaluer l'atteinte portée au gain global procuré par le marché à l'ensemble des consommateurs et des entreprises, pour procéder à l'évaluation du dommage à l'économie, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce ;

2°/ qu'à supposer que le dommage à l'économie se confonde avec un accroissement du coût du marché considéré, il ne peut être caractérisé, tant dans son principe que dans son ampleur, qu'à la condition de déterminer, préalablement, le juste coût du marché ; que en se bornant à énoncer, pour juger le dommage à l'économie constitué et fixer les sanctions en fonction ce paramètre, que «seul le fonctionnement normal de la concurrence et l'incertitude sur le montant des offres proposées par les concurrents sont de nature à garantir l'obtention du juste prix», sans jamais indiquer quel aurait été ce juste prix, la cour d'appel s'est déterminée par un motif impropre à justifier l'existence et mesurer l'ampleur du dommage à l'économie qu'elle devait pourtant évaluer pour fixer les sanctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que l'importance du dommage à l'économie causé par les pratiques résulte, d'une part, de ce qu'elles ont permis aux entreprises en cause d'accroître considérablement leurs marges par rapport à celles couramment obtenues dans ce secteur et ce au détriment du contribuable, d'autre part, de l'affranchissement complet d'un secteur d'activité des règles de concurrence, de troisième part, du montant exceptionnel des marchés en cause, qui s'est élevé à 10 milliards de francs (1 526 717 550 euros) et a représenté une part importante du secteur du BTP en Ile-de-France, la cour d'appel qui n'encourt pas les griefs du moyen a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal, les premier et deuxième moyens du pourvoi incident relevé par la société SICRA, le premier moyen pris en ses quatrième et cinquième branches et le deuxième moyen du pourvoi incident relevé par les sociétés Dumez construction et Vinci construction ne seraient pas de nature à permettre l'admission des pourvois ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incidents ;

Fait masse des dépens et les met par moitié à la charge d'une part, des sociétés Spie et Spie SCGPM, d'autre part à la charge des sociétés Dumez construction, Vinci construction et SICRA aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Spie et Spie SCGPM à payer au conseil régional d'Ile-de-France la somme globale de 2 500 euros et les sociétés Dumez construction, Vinci construction et SICRA à payer au conseil régional d'Ile-de-France la somme globale de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille neuf.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour les sociétés Spie et Spie SCGPM, demanderesses au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la Société SPIE SA et la Société SPIE SCGPM ont enfreint les dispositions de l'article L 420-1 du Code de commerce et de leur avoir respectivement infligé des sanctions de 1.078.000 euros et 7.341.000 euros ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article R 464-12 du Code de commerce, lorsque la déclaration de recours ne contient pas l'exposé des moyens invoqués, le demandeur doit déposer cet exposé au greffe dans les deux mois qui suivent la notification de la décision du Conseil de la concurrence ; qu'il suit de là que sont irrecevables les moyens présentés au-delà de ce délai, à moins que le demandeur ne démontre, soit qu'ils ont pour objet de répondre à des moyens invoqués dans des écritures adverses, les observations du Conseil de la concurrence ou celles du ministre de l'économie, soit qu'il était dans l'impossibilité de les produire dans le délai précité ; qu'aucune de ces circonstances n'étant invoquée par les parties susvisées, qui ont formé leurs recours le 22 juin 2007, ne seront donc pas examinés les moyens et demandes présentés par elles pour la première fois dans leurs mémoires du 20 mars 2008, soit ceux tendant à l'annulation de la procédure par suite de l'irrégularité des saisines du président du CRIF, non habilité à saisir le Conseil, de l'incompatibilité du dossier pénal et le principe du procès équitable et de la prescription subséquente, de la nullité de la transmission des pièces pénales par le Procureur Général, de l'absence d'entente généralisée et de la prescription subséquente ;

1°) ALORS QUE si le demandeur doit, lorsque la déclaration d'appel ne contient pas l'exposé des moyens invoqués, déposer cet exposé au greffe dans les deux mois qui suivent la notification de la décision du Conseil de la concurrence, il n'en reste pas moins recevable, lorsqu'il a satisfait à cette exigence, à invoquer des moyens nouveaux passé ce délai ; qu'en déclarant néanmoins irrecevables les moyens présentés par les sociétés SPIE SA et SPIE SCGPM dans leurs mémoires en réponse du 20 mars 2008, motif pris de ce que ce mémoire avait été déposé plus de deux mois après la déclaration d'appel, bien que les sociétés SPIE SA et SPIE SCGPM aient déposé, dans les deux mois de la déclaration d'appel, un premier mémoire contenant l'exposé des moyens invoqués, de sorte qu'elles étaient recevables à invoquer de nouveaux moyens ultérieurement, la Cour d'appel a violé l'article R 464-12 du Code de commerce ;

2°) ALORS QUE, subsidiairement, le Conseil régional d'Ile de-France avait déposé le 17 janvier 2008, soit postérieurement au délai de deux mois à compter de la notification de la décision du Conseil de la concurrence, un mémoire invoquant une délibération du 16 décembre 2005, autorisant son président à ester en justice, et avait produit cette délibération au soutien de son mémoire, afin de justifier de la recevabilité de la saisine du Conseil de la concurrence par son président ; que le moyen invoqué par la SPIE SA et la Société SPIE SCGPM dans leurs mémoires en réplique du 20 mars 2008, tendant à contester la recevabilité des saisines du Conseil de la concurrence au regard de cette délibération était par conséquent recevable, ce moyen ayant pour objet de répondre à un moyen invoqué par le Conseil régional d'Ile de-France ; qu'en déclarant néanmoins ce moyen irrecevable, comme ayant été invoqué plus de deux mois après la notification de la décision du Conseil de la concurrence, la Cour d'appel a violé l'article R 464-12 du Code de commerce ;

3°) ALORS QUE, à titre également subsidiaire, le Conseil de la concurrence avait déposé le 19 février 2008, soit plus de deux mois après la notification de la décision du Conseil de la concurrence, un mémoire invoquant une entente généralisée continue sur l'ensemble des marchés ; que le moyen invoqué par SPIE SA et par la Société SPIE SCGPM dans leurs mémoires en réplique du 20 mars 2008 avait pour objet de contester le prétendu caractère généralisé et continu de l'entente invoquée, dont il se déduisait que l'action exercée à leur encontre était prescrite ; que le moyen tiré de la prescription était par conséquent recevable, bien que formulé plus de deux mois après la notification de la décision du Conseil de la concurrence ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article R 464-12 du Code de commerce.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la Société SPIE SA et la Société SPIE SCGPM ont enfreint les dispositions de l'article L 420-1 du Code de commerce et de leur avoir respectivement infligé des sanctions de 1.078.000 euros et 7.341.000 euros ;

AUX MOTIFS QUE l'article L 463-5 du Code de commerce dispose que les juridictions d'instruction ou de jugement peuvent communiquer au Conseil de la concurrence, sur sa demande, les procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien direct avec des faits dont le Conseil est saisi ; que ces dispositions ont été respectées en l'espèce dès lors qu'ayant été informé qu'il ne pouvait obtenir de la DGCCRF les résultats de l'enquête à laquelle cette dernière avait procédé pour le compte de la seule juridiction d'instruction, le Conseil de la concurrence a, le 31 mai 2000, demandé à cette dernière de lui communiquer les procès-verbaux ou rapports d'enquête ou les parties de ceux-ci ayant un lien direct avec les faits ; que les dispositions précitées ne prévoyant pas les modalités de la communication, aucune irrégularité ne saurait résulter de ce que, à la suite de cette demande, le juge d'instruction ait informé le rapporteur, le 3 juillet 2000, qu'il pouvait prendre connaissance du dossier et en prendre copie ; qu'au demeurant, ce n'est qu'ultérieurement, soit le 7 février 2002, que les pièces demandées ont été transmises au Conseil, ce dont il résulte que le juge d'instruction en avait agréé la transmission, partant, s'était assuré de leur relation directe avec les faits dont le Conseil était saisi ; qu'en outre, même si seul le rapporteur a été admis à consulter le dossier pénal, ce qu'impose l'article 11 du Code de procédure pénale relatif au secret de l'instruction, le principe de l'égalité des armes n'a pas été méconnu en l'espèce dès lors qu'il est constant que les pièces sur lesquelles le rapporteur a fondé les griefs ont fait l'objet d'un inventaire, qu'elles ont été cotées, versées au dossier, proposées à la consultation et soumises à la contradiction des parties poursuivies et que ces dernières ont, après la notification des griefs, disposé de la faculté de présenter les moyens et de produire les documents qu'elles estimaient utiles à la défense de leurs intérêts ; qu'à cet égard, il était loisible à la Société VINCI CONSTRUCTION (venant aux droits de la Société CAMPENON BERNARD) de soumettre au Conseil, qui aurait été tenu de l'examiner, toute contestation qu'elle jugeait utile quant à la validité ou la force probante du document retenu contre elle ; qu'enfin, en admettant que des pièces dépourvues de lien avec les faits dont le Conseil était saisi aient été versées au dossier, cette circonstance, qui ne fait pas grief aux requérantes, n'est pas de nature à vicier la procédure à leur égard ;

1°) ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; que le principe de l'égalité des armes, qui en résulte, impose de communiquer à chacune des parties les mêmes pièces ; qu'en décidant néanmoins que le Conseil de la concurrence avait pu se faire communiquer certaines pièces de la procédure pénale qu'elle souhaitait obtenir, même si cette faculté n'était pas ouverte aux autres parties, la Cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°) ALORS QUE, subsidiairement, les juridictions d'instruction et de jugement ne peuvent communiquer au Conseil de la concurrence, sur sa demande, que les procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien direct avec des faits dont le conseil est saisi ; qu'en décidant néanmoins que le rapporteur du Conseil de la concurrence avait pu légalement prendre connaissance de l'entier dossier de la procédure pénale, à l'invitation du Juge d'instruction, au motif inopérant tiré de ce que les pièces retenues par le rapporteur avaient été soumises à la contradiction des parties poursuivies, la Cour d'appel a violé l'article L 463-5 du Code de commerce.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la Société SPIE SA a enfreint les dispositions de l'article L 420-1 du Code de commerce et de lui avoir infligé une sanction de 1.078.000 euros ;

AUX MOTIFS QUE la Société SPIE SA venant aux droits de la société SPIE CITRA, qui a elle-même absorbé la société SPIE construction, objecte que le représentant de cette dernière société n'a assisté qu'à quatre réunions sur dix-sept et n'y a joué qu'un rôle mineur, ayant obtenu deux marchés seulement d'un montant peu élevé ; qu'elle estime que la sanction n'a pas été individualisée car elle n'existait pas au moment des faits, elle n'était pas une filiale de Schneider comme le retient à tort la décision, elle n' était pas l'instigatrice de l'entente, et se retrouve cependant plus sanctionnée que les autres qui en ont fait plus ; qu'elle invoque également l'absence de dommage à l'économie et l'existence de circonstances atténuantes, tenant aux particularités du METP, difficile techniquement et critiquable au plan concurrentiel, et au rôle du CRIF dans la mise en place des pratiques incriminées ; qu'elle demande en conséquence à la Cour de la décharger de toute sanction pécuniaire, ou à tout le moins de réduire sensiblement le montant de la sanction prononcée ; que la Société SPIE SA, venant aux droits de SPIE Citra et de SPIE construction, ne conteste pas la participation de cette dernière à l'entente, se bornant à minimiser son rôle en soulignant qu'elle n'a obtenu que deux marchés de peu d'importance ; que toutefois, cette société a été présélectionnée dix-huit fois, de 1991 à 1993, (point 394), ce qui démontre qu'elle a participé dès le début à l'entente et qu'elle a accepté à de nombreuses reprises, lorsqu'elle n'était pas attributaire, de déposer des offres de couverture ; que la Société SPIE SA, venant aux droits de SPIE construction, ne conteste pas qu'elle doit répondre des pratiques commises par cette dernière et ne peut dès lors utilement invoquer son absence d'implication personnelle directe dans les pratiques en cause ; qu'eu égard à sa participation à dix-huit appels d'offres, à l'obtention de deux marchés pour un montant global de 435 millions de francs (66 millions d'euros environ) et à son chiffre d'affaires pour l'année 2005 de 21.563.195 euros, la sanction prononcée, de 1.078.000 euros, est proportionnée et doit être maintenue ;

1°) ALORS QUE la Société SPIE SA faisait valoir que les faits litigieux étaient reprochés non à elle-même, mais à la Société SPIE CONSTRUCTION, alors filiale du Groupe SCHNEIDER, qui avait été absorbée par la Société CITRA, qui avait elle-même apporté par transfert universel de patrimoine l'ensemble de ses moyens humains et matériels, le 6 novembre 2002, à la Société CSP 18, devenue la Société SPIE BATIGNOLLES ; que la Société SPIE SA soutenait ainsi que les pratiques reprochées à la Société SPIE CONSTRUCTION ne pouvaient lui être imputées ; qu'en affirmant néanmoins que la Société SPIE SA ne contestait pas devoir répondre des pratiques commises par la Société SPIE CONSTRUCTION, la Cour d'appel a dénaturé les termes de ses conclusions d'appel, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la Société SPIE SA faisait valoir que les faits litigieux étaient reprochés non à elle-même, mais à la Société SPIE CONSTRUCTION, alors filiale du Groupe SCHNEIDER, qui avait été absorbé par la Société CITRA, qui avait elle-même cédé l'ensemble de ses actifs, le 6 novembre 2002, à la Société CSP 18, devenue la Société SPIE BATIGNOLLES ; qu'elle ajoutait qu'elle n'avait pas repris l'activité de génie civil au titre de laquelle les ententes litigieuses auraient été commises, de sorte que celles-ci ne pouvaient lui être imputées ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la Société SPIE SA et la Société SPIE SCGPM ont enfreint les dispositions de l'article L 420-1 du Code de commerce et de leur avoir respectivement infligé des sanctions de 1.078.000 euros et 7.341.000 euros ;

AUX MOTIFS QUE la Société SPIE SA venant aux droits de la société SPIE CITRA, qui a elle-même absorbé la société SPIE construction, objecte que le représentant de cette dernière société n'a assisté qu'à quatre réunions sur dix sept et n'y a joué qu'un rôle mineur, ayant obtenu deux marchés seulement d'un montant peu élevé ; qu'elle estime que la sanction n'a pas été individualisée car elle n'existait pas au moment des faits, elle n'était pas une filiale de Schneider comme le retient à tort la décision, elle n' était pas l'instigatrice de l'entente, et se retrouve cependant plus sanctionnée que les autres qui en ont fait plus ; qu'elle invoque également l'absence de dommage à l'économie et l'existence de circonstances atténuantes, tenant aux particularités du METP, difficile techniquement et critiquable au plan concurrentiel, et au rôle du CRIF dans la mise en place des pratiques incriminées ; qu'elle demande en conséquence à la Cour de la décharger de toute sanction pécuniaire, ou à tout le moins de réduire sensiblement le montant de la sanction prononcée ; que la Société SPIE SCGPM fait valoir pour sa part que la sanction est disproportionnée eu égard à son rôle mineur dans la commission des faits (elle a soumissionné à la troisième vague seulement, pour neuf marchés et n'a été attributaire que de deux) et aux circonstances atténuantes tenant aux particularités du METP, difficile techniquement et critiquable au plan concurrentiel, ainsi qu'au rôle du CRIF dans la mise en place des pratiques ; qu'elle souligne la lenteur de la procédure qui fait que, depuis 1990, SCGPM a changé trois fois de groupe et qu'une partie des archives et du personnel a disparu, ajoute qu'elle n'appartient plus au groupe Schneider et qu'il serait inéquitable de faire peser sur les nouveaux actionnaires une amende de plus de 7 millions d'euros pour des faits anciens ; qu'elle demande en conséquence à la Cour de la décharger de toute sanction pécuniaire, ou à tout le moins de réduire sensiblement le montant de la sanction prononcée, en tenant compte de son rôle mineur et de sa participation déficitaire à seulement deux marchés sans qu'elle cause le moindre préjudice à l'économie ; que la Société SPIE SA, venant aux droits de SPIE Citra et de SPIE construction, ne conteste pas la participation de cette dernière à l'entente, se bornant à minimiser son rôle en soulignant qu'elle n'a obtenu que deux marchés de peu d'importance ; que toutefois cette société a été présélectionnée dix-huit fois, de 1991 à 1993, (point 394), ce qui démontre qu'elle a participé dès le début à l'entente et qu'elle a accepté à de nombreuses reprises, lorsqu'elle n'était pas attributaire, de déposer des offres de couverture ; que la Société SPIE SCGPM, anciennement SCGPM, ne conteste pas non plus sa participation, mais fait valoir qu'elle n'y a joué qu'un rôle mineur ; qu'elle a cependant soumissionné à neuf marchés en 1993 et 1994, relevant des troisième, quatrième, cinquième et sixième vagues, et a été attributaire de deux marchés ; qu'en outre, en l'état d'une entente généralisée impliquant l'ensemble des entreprises du secteur, il n'importe que l'un des deux marchés n'ait pas été obtenu par l'intermédiaire de la société Patrimoine Ingénierie, ni que ces deux opérations se soient, en définitive, soldées par des pertes dont l'origine, d'ailleurs, n'est pas précisée ; que la Société SPIE SA, venant aux droits de SPIE construction, ne conteste pas qu'elle doit répondre des pratiques commises par cette dernière et ne peut dès lors utilement invoquer son absence d'implication personnelle directe dans les pratiques en cause ; qu'eu égard à sa participation à dix-huit appels d'offres, à l'obtention de deux marchés pour un montant global de 435 millions de francs (66 millions d'euros environ) et à son chiffre d'affaires pour l'année 2005 de 21.563.195 euros, la sanction prononcée, de 1.078.000 euros, est proportionnée et doit être maintenue ; que s'agissant de la Société SPIE SCGPM, anciennement SCGPM, le Conseil a engagement fait une exacte appréciation de la sanction en prononçant contre elle une sanction de 7 341 000 euros dès lors que cette société, qui a pu exercer sa défense et n'a donc pas pâti de la longueur de la procédure, a soumissionné à neuf marchés, en a obtenu deux pour un montant de 201 millions de francs environ (30 millions d'euros) et a déclaré un chiffre d'affaires hors taxes de 146.834.482 euros ;

1°) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionnés ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées ; qu'elles sont déterminée individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ; qu'en se bornant à affirmer qu'eu égard à sa participation à dix-huit appels d'offres, à l'obtention de deux marchés pour un montant global de 435 millions de francs et à son chiffre d'affaires pour l'année 2005 de 21.563.195 euros, la sanction prononcée, de 1.078.000 euros, était proportionnée et devait être maintenue, sans rechercher de façon concrète la gravité des faits reprochés à titre individuel à la Société SPIE SA, l'importance du dommage causé à l'économie par la Société SPIE SA, la situation particulière de la Société SPIE SA et une éventuelle réitération de pratiques prohibées conduisant la Cour à sanctionner la Société SPIE SA au maximum de la sanction, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 464-2 du Code de commerce ;

2°) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionnés ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées ;
qu'elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ; qu'en se bornant à affirmer que la Société SPIE SGCPM ayant soumissionné à neuf marchés et en ayant tenu deux pour un montant de 201 millions de francs, et ayant déclaré un chiffre d'affaires hors taxes de 146.834.482 euros, il convenait de maintenir à son encontre la sanction de 7.341.000 euros correspondant au maximum de la sanction, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 464-2 du Code de commerce.

Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société SICRA, demanderesse au pourvoi incident

PREMIER MOYEN DE CASSATION
(Sur les modalités de communication du dossier pénal)

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'a enfreint les dispositions de l'article L.420-1 du Code de commerce la SICRA, et de l'avoir, en conséquence, condamnée à payer une amende de 516 300,

Aux motifs que «l'article L.463-5 du Code de commerce dispose que les juridictions d'instruction ou de jugement peuvent communiquer au Conseil de la concurrence, sur sa demande, les procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien direct avec les faits dont le Conseil est saisi ; que ces dispositions ont été respectées en l'espèce dès lors qu'ayant été informé qu'il ne pouvait obtenir de la DGCCRF les résultats de l'enquête à laquelle cette dernière avait procédé pour le compte de la seule juridiction d'instruction, le Conseil de la concurrence a, le 31 mai 2000, demandé à cette dernière de lui communiquer les procès-verbaux ou rapports d'enquête ou les parties de ceux-ci ayant un lien direct avec les faits ; que les dispositions précitées ne prévoyant pas les modalités de la communication, aucune irrégularité ne saurait résulter de ce que, à la suite de cette demande, le juge d'instruction ait informé le rapporteur, le 31 juillet 2000, qu'il pouvait prendre connaissance du dossier et en prendre copie ; qu'au demeurant, ce n'est qu'ultérieurement, soit le 7 février 2002, que les pièces demandées ont été transmises au Conseil, ce dont il résulte que le juge d'instruction en avait agréé la transmission, partant, s'était assuré de leur relation directe avec les faits dont le Conseil était saisi ; qu'en outre, même seul le rapporteur a été admis à consulter le dossier pénal, ce qu'impose l'article du Code de procédure pénale relatif au secret de l'instruction, le principe de l'égalité des armes n'a pas été méconnu en l'espèce, dès lors qu'il est constant que les pièces sur lesquelles le rapporteur a fondé les griefs ont fiat l'objet d'un inventaire, qu'elles ont été cotées, versées au dossier, proposées à la consultation, et soumises à la contradiction des parties poursuivies et que ces dernières ont, après la notification des griefs, disposé de la faculté de présenter les moyens et de produire les documents qu'elles estimaient utiles à la défense de leurs intérêts ; qu'à cet égard, il était loisible à la société VINCI CONSTRUCTION (venant aux droits de la société CAMPENON BERNARD) de soumettre au Conseil, qui aurait été tenu de l'examiner, toute contestation qu'elle jugeait utile quant à la validité ou la force probante du document retenu contre elle ; qu'enfin, en admettant que des pièces dépourvues de lien avec les faits dont le Conseil était saisi aient été versées au dossier, cette circonstance, qui ne fait pas grief aux requérantes, n'est pas de nature à vicier la procédure à leur égard ; qu'ainsi les moyens pris de la communication du dossier pénal ne sont pas fondés» (arrêt, p. 8, pénult. § et s.) ;

Alors, d'une part, qu' en vertu du principe d'égalité des armes, chaque partie doit avoir la possibilité raisonnable d'exposer sa cause dans les conditions qui ne la désavantagent pas d'une manière appréciable par rapport à la partie adverse ; que désavantagent de manière appréciable les entreprises poursuivies devant le conseil de la concurrence la consultation de l'entier dossier de l'instruction par les membres du Conseil tel le rapporteur, puis la sélection, par ses soins, des pièces qu'il décide d'en extraire, dès lors que les entreprises ne peuvent s'assurer que d'autres pièces, de nature à démontrer leur absence de participation aux faits, n'ont pas été écartées de la sélection opérée par le rapporteur ; qu'après avoir constaté que seul le rapporteur avait pu consulter le dossier pénal et, partant, sélectionner personnellement les pièces qu'il jugeait utiles, ce dont résultait un déséquilibre significatif au détriment des entreprises poursuivies dépourvues d'un droit équivalent, peu important à cet égard que le juge d'instruction eût agréé a posteriori la transmission de ces pièces comme présentant une relation directe avec les faits dont le conseil de la concurrence était saisi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Alors d'autre part que si les juridictions d'instruction et de jugement peuvent communiquer, à la demande du conseil de la concurrence, les procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien direct avec les faits dont le Conseil de la concurrence est saisi, le rapporteur du Conseil ne peut consulter, sur l'invitation du juge d'instruction, que les pièces ayant, selon l'appréciation de ce magistrat, un lien direct avec les faits dont est saisi le Conseil ; qu'après avoir expressément constaté que le rapporteur avait été admis à consulter le dossier pénal, et non les seules pièces préalablement sélectionnées par le magistrat instructeur comme présentant, dans son opinion, un lien direct avec les faits poursuivis, la cour d'appel, qui a néanmoins jugé régulière la communication du dossier pénal, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 463-5 du Code de commerce ;

Alors, encore, que désavantage de façon significative les parties poursuivies la partialité subjective, même seulement présumée, de la personne chargée d'instruire les poursuites ; qu' eu égard à l'importance des attributions du rapporteur et à son rôle déterminant, lors de l'instruction, la partialité subjective de ce dernier, même seulement présumée, contrevient au principe de l'égalité des armes, peu important qu'il n'ait pas voix délibérative ; que la connaissance, par le rapporteur, des éléments d'une instruction pénale dépassant amplement les faits poursuivis devant le Conseil de la concurrence est de nature à faire naître chez ce dernier un préjugé défavorable affectant son impartialité ; qu'après avoir constaté que le rapporteur avait été admis à consulter le dossier pénal dans son intégralité, de telle sorte qu'il avait ainsi pu prendre connaissance de pièces étrangères aux faits poursuivis devant le Conseil, ce dont il résultait que son objectivité avait pu s'en trouver affectée, la cour d'appel, qui a néanmoins jugé la procédure régulière, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 6 § 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Alors, enfin, que le respect du secret de l'instruction impose que le juge d'instruction sélectionne personnellement les pièces du dossier pénal qu'il estime en relation directe avec les faits dont est saisi le Conseil de la concurrence ; que la dérogation légale prévue par l'article L. 463-5 du code de commerce à l'article 11 du code de procédure pénale, ne permet au rapporteur et au Conseil de la concurrence que d'avoir accès aux pièces en lien direct avec les faits dont est saisi le Conseil, à l'exclusion des autres pièces du dossier qui demeurent couvertes par le secret ; qu'ayant constaté que le rapporteur avait été admis à consulter le dossier pénal dans son intégralité, de telle sorte qu'il avait ainsi pu prendre connaissance de pièces étrangères aux faits poursuivis devant le Conseil et couvertes, sans dérogation possible, par le secret de l'instruction, la cour d'appel, qui a néanmoins jugé régulière la procédure de communication de pièces du dossier pénal, pourtant entachée d'irrégularité en raison de la violation du secret de l'instruction, a violé les articles L. 463-5 du code de commerce, 11 du code de procédure pénale ;

Alors, en tout état de cause, que (subsidiaire) le juge d'instruction peut communiquer au Conseil de la concurrence les pièces ayant, selon l'appréciation de ce magistrat instructeur, un lien direct avec les faits dont est saisi le Conseil ; qu'en affirmant que le magistrat instructeur avait mis à profit, pour s'assurer de la relation directe des pièces demandées avec les faits dont le Conseil était saisi, le délai écoulé entre l'invitation faite au rapporteur à prendre connaissance du dossier pénal, date à laquelle, par hypothèse, les pièces n'étaient pas encore sélectionnées ni, a fortiori, demandées, et la transmission effective des pièces par le magistrat instructeur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 463-5 du code de commerce.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
(Sur la jonction)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir approuvé le Conseil de la Concurrence d'avoir décidé qu'a enfreint les dispositions de l'article L .420-1 du Code de commerce la SICRA, et d'avoir condamné cette dernière à payer une amende de 516.300 ,

Aux motifs que «faisant valoir que la décision de jonction prise par le rapporteur général le 14 septembre 2004 ne vise que les saisines du président du CRIF, la société DUMEZ CONSTRUCTION et la SICRA soutiennent que la notification de griefs, qui se fonde quasiment exclusivement sur la saisine d'office du Conseil de la concurrence enregistrée sous le numéro F 889, est entachée de nullité ; que la SICRA ajoute que, n'ayant pas été jointe aux autres, la saisine F 889 est prescrite, faute d'acte interruptif pendant plus de trois ans et que, pour ce qui est des autres saisines émanant du président du CRIF, l'interruption de la prescription relative à ces quatre saisines est devenue sans objet dès lors qu'elles n'ont donné lieu à l'établissement d'aucun grief ; qu'il ressort de la décision qu'ont été instruites les saisines suivantes : -F 883 : les lettres, enregistrées les 18 juin, 22 juillet et 19 septembre 1996, par lesquelles le président du CRIF a dénoncé des pratiques mises en oeuvre lors des appels d'offres pour la reconstruction ou la réhabilitation des lycées : Gustave Eiffel (Rueil-Malmaison), National (La Garenne-Colombes), Professionnel (Jouy—Le-Moutier), Charles Baudelaire et Bâtiment (Evry), Jean Isoard (Montgeron), d'Alembert (Paris) et Gustave Monod (Enghien) ; -F 889 : la saisine d'office du 11 juillet 1996, relative à la situation de la concurrence sur les marchés de conception-réalisation, d'entreprises de travaux publics et d'assistance à la maîtrise d'ouvrage, relatifs aux établissements d'enseignement, lancés par la région Ile de-France ; -P 1127 : la lettre, enregistrée le 2 mars 1999, par laquelle le président du CRIF a dénoncé des pratiques mises en oeuvre lors des appels d'offres relatifs aux marchés de travaux de reconstruction et réhabilitation d'un établissement régional d'enseignement (EREA), dénommé «La tour du Mail», situé à Sannois ; -F 1261 : la lettre, enregistrée le 21 août 2000, par laquelle le président du CRIF a dénoncé des pratiques mises en oeuvre lors de l'appel d'offres pour la réfection de l'étanchéité des toitures –terrasses du lycée polyvalent Fustel de Coulanges à Massy ; -F 1293 : la lettre, enregistrée le 26 février 2001, par laquelle le président du CRIF a dénoncé des pratiques mises en oeuvre lors de l'appel d'offres pour le marché de travaux de réparation au lycée polyvalent Jules Verne à Cergy le Haut ; que par «décision de jonction» datée du 14 septembre 2004, visant les saisines F 883, F 889, F 1127 et F 1261 et F 1293, le rapporteur général a joint les affaires ; qu'il n'importe que, par suite d'une erreur de plume, les motifs de cette décision ne se réfèrent qu'aux saisines du CRIF, cette omission «littérale» devant être rectifiée selon ce que la raison commande, à savoir que le rapporteur général n'avait aucun motif d'exclure de l'instruction commune la saisine d'office F 889 qui coiffait l'ensemble des pratiques dénoncées par le CRIF et qui est expressément visée en tête de la décision ; qu'en cet état, et dès lors qu'un acte tendant à la recherche, la constatation ou la sanction de pratiques anticoncurrentielles, même s'il ne concerne que certaines des entreprises incriminées ou une partie seulement des faits commis, interrompt la prescription à l'égard de toutes les entreprises concernées et pour l'ensemble des faits dénoncés lorsque ceux-ci présentent entre eux un lien de connexité, les moyens tirés de la nullité de la procédure et de la prescription ne sont pas fondés» (cf. arrêt, p. 7 et 8 al. 1).

Alors qu' en cas de divergence entre les motifs et les visas d'une décision administrative, ce sont les motifs qui priment ; qu'après avoir constaté que dans la décision de jonction du rapporteur, la saisine F 889 était mentionnée dans le visa, mais elle ne l'était pas dans les motifs, la cour d'appel qui a néanmoins considéré que la saisine F 889 avait été valablement jointe aux termes de cette décision de jonction, a fait prévaloir les visas sur les motifs, en violation l'article L. 462-7 du code de commerce.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (plus subsidiaire)
(Sur la sanction)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir approuvé le Conseil de la Concurrence d'avoir décidé qu'a enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce la SICRA, et d'avoir condamné cette dernière à payer une amende de 516 300 ;

Aux motifs que «de même, les requérantes ne peuvent utilement soutenir l'absence de dommage à l'économie au prétexte que les prix étaient préalablement arrêtés par le maître d'ouvrage, alors que, ainsi que le Conseil de la concurrence l'a rappelé avec justesse, seul le fonctionnement normal de la concurrence et l'incertitude sur le montant des offres proposées par les concurrents sont de nature à garantir l'obtention du juste prix ; que d'ailleurs, plusieurs responsables d'entreprises (M. X... de la société GTM, M. Y... de la société Bouygues, M. Z... de la société Fougerolle) ont souligné que l'entente garantissait à la société désignée des marges substantielles (supérieures à 10 %, allant selon certains de 15 à 20 %), dépassant celles couramment obtenues dans ce secteur (entre 3 et 6%), cette différence ne pouvant s'expliquer uniquement par les gains supplémentaires engendrés par la prestation de financement, alors au surplus qu'elles incluaient nécessairement la commission de 2 % versée aux partis politiques ; que M. A..., adjoint de M. Y... de la société Bouygues, a même relaté que, pour le lycée de Mantes-la-jolie, il avait estimé, lorsque l'attributaire désigné lui avait communiqué son offre, que "le niveau de prix était vraiment trop important" et qu'"il y avait un abus manifeste", qu'il avait donc remis une offre inférieure mais que celle-ci avait été rejetée sans explication, puis qu'ayant réitéré cette manoeuvre à l'occasion du marché concernant le lycée Louis-le-Grand, il avait essuyé le même rejet (point 67), ces deux incidents ayant suscité une explication "orageuse" avec M. B..., qui s'était ingénié à faire rejeter son offre bien qu'elle fut vraisemblablement la moins-disante ; que, rapportés au montant global des marchés concernés et à la durée des pratiques, de tels excédents de prix caractérisent un dommage à l'économie exceptionnel» (arrêt, p. 12 ult. § et p. 13, § 1er) ;

Alors que le dommage à l'économie s'entend du rapport entre la perturbation d'un secteur et le gain global que retirent du marché l'ensemble des consommateurs et des entreprises ; qu'en résumant le dommage à l'économie à un supposé surcoût du prix des marchés considérés, sans évaluer l'atteinte portée au gain global procuré par le marché à l'ensemble de consommateurs et des entreprises, pour procéder à l'évaluation du dommage à l'économie, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 464-2 du Code de commerce ;

Alors en outre (subsidiaire) qu'à supposer que le dommage à l'économie se confonde avec un accroissement du coût du marché considéré, il ne peut être caractérisé, tant dans son principe que dans son ampleur, qu'à la condition de déterminer, préalablement, le juste coût du marché ; que en se bornant à énoncer, pour juger le dommage à l'économie constitué et fixer les sanctions en fonction ce paramètre, que «seul le fonctionnement normal de la concurrence et l'incertitude sur le montant des offres proposées par les concurrents sont de nature à garantir l'obtention du juste prix», sans jamais indiquer quel aurait été ce juste prix, la cour d'appel s'est déterminée par un motif impropre à justifier l'existence et mesurer l'ampleur du dommage à l'économie qu'elle devait pourtant évaluer pour fixer les sanctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du Code de commerce.

Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour les sociétés Vinci construction et Dumez construction, demanderesses au pourvoi incident

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'ont enfreint les dispositions de l'article L.420-1 du Code de commerce les sociétés DUMEZ CONSTRUCTION SNC et VINCI CONSTRUCTION venant aux droits de GTM-BTP, et d'avoir, en conséquence, condamné la société VINCI CONSTRUCTION venant aux droits de GTM-BTP à payer une amende de 185 000,

Aux motifs que «l'article L.463-5 du Code de commerce dispose que les juridictions d'instruction ou de jugement peuvent communiquer au Conseil de la concurrence, sur sa demande, les procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien direct avec les faits dont le Conseil est saisi ; que ces dispositions ont été respectées en l'espèce dès lors qu'ayant été informé qu'il ne pouvait obtenir de la DGCCRF les résultats de l'enquête à laquelle cette dernière avait procédé pour le compte de la seule juridiction d'instruction, le Conseil de la concurrence a, le 31 mai 2000, demandé à cette dernière de lui communiquer les procès-verbaux ou rapports d'enquête ou les parties de ceux-ci ayant un lien direct avec les faits ; que les dispositions précitées ne prévoyant pas les modalités de la communication, aucune irrégularité ne saurait résulter de ce que, à la suite de cette demande, le juge d'instruction ait informé le rapporteur, le 31 juillet 2000, qu'il pouvait prendre connaissance du dossier et en prendre copie ; qu'au demeurant, ce n'est qu'ultérieurement, soit le 7 février 2002, que les pièces demandées ont été transmises au Conseil, ce dont il résulte que le juge d'instruction en avait agréé la transmission, partant, s'était assuré de leur relation directe avec les faits dont le Conseil était saisi ; qu'en outre, même si seul le rapporteur a été admis à consulter le dossier pénal, ce qu'impose l'article 11 du Code de procédure pénale relatif au secret de l'instruction, le principe de l'égalité des armes n'a pas été méconnu en l'espèce, dès lors qu'il est constant que les pièces sur lesquelles le rapporteur a fondé les griefs ont fait l'objet d'un inventaire, qu'elles ont été cotées, versées au dossier, proposées à la consultation, et soumises à la contradiction des parties poursuivies et que ces dernières ont, après la notification des griefs, disposé de la faculté de présenter les moyens et de produire les documents qu'elles estimaient utiles à la défense de leurs intérêts ; qu'à cet égard, il était loisible à la société VINCI CONSTRUCTION (venant aux droits de la société CAMPENON BERNARD) de soumettre au Conseil, qui aurait été tenu de l'examiner, toute contestation qu'elle jugeait utile quant à la validité ou la force probante du document retenu contre elle ; qu'enfin, en admettant que des pièces dépourvues de lien avec les faits dont le Conseil était saisi aient été versées au dossier, cette circonstance, qui ne fait pas grief aux requérantes, n'est pas de nature à vicier la procédure à leur égard ; qu'ainsi les moyens pris de la communication du dossier pénal ne sont pas fondés» (arrêt, p. 8, pénult. §5 et s.) ;

Alors qu'en vertu du principe d'égalité des armes, chaque partie doit avoir la possibilité raisonnable d'exposer sa cause dans les conditions qui ne la désavantagent pas d'une manière appréciable par rapport à la partie adverse ; que désavantage de manière appréciable les entreprises poursuivies devant le Conseil de la concurrence la circonstance selon laquelle seule cette autorité administrative, à l'exclusion des personnes poursuivies, dispose de la faculté de se faire communiquer par les juridictions d'instruction ou de jugement des procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien direct avec les faits elle est saisie ; qu'en jugeant néanmoins régulière la procédure de transmission du dossier pénal, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Alors, subsidiairement et d'une part, qu'en vertu du principe d'égalité des armes, chaque partie doit avoir la possibilité raisonnable d'exposer sa cause dans les conditions qui ne la désavantagent pas d'une manière appréciable par rapport à la partie adverse ; que désavantagent de manière appréciable les entreprises poursuivies devant le Conseil de la concurrence la consultation de l'entier dossier de l'instruction par les membres du Conseil tel le rapporteur, puis la sélection, par ses soins, des pièces qu'il décide d'en extraire, dès lors que les entreprises ne peuvent s'assurer que d'autres pièces, de nature à démontrer leur absence de participation aux faits, n'ont pas été écartées de la sélection opérée par le rapporteur ; qu'après avoir constaté que seul le rapporteur avait pu consulter le dossier pénal et, partant, sélectionner personnellement les pièces qu'il jugeait utiles, ce dont résultait un déséquilibre significatif au détriment des entreprises poursuivies dépourvues d'un droit équivalent, peu important à cet égard que le juge d'instruction eût agréé a posteriori la transmission de ces pièces comme présentant une relation directe avec les faits dont le conseil de la concurrence était saisi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Alors, subsidiairement d'autre part que si les juridictions d'instruction et de jugement peuvent communiquer, à la demande du Conseil de la concurrence, les procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien direct avec les faits dont le Conseil de la concurrence est saisi, le rapporteur du Conseil de la concurrence ne peut consulter, sur l'invitation du juge d'instruction, que les pièces ayant, selon l'appréciation de ce magistrat, un lien direct avec les faits dont est saisi le Conseil de la concurrence ; qu'après avoir expressément constaté que le rapporteur avait été admis à consulter l'ensemble du dossier pénal, et non les seules pièces préalablement sélectionnées par le magistrat instructeur comme présentant, dans son opinion, un lien direct avec les faits poursuivis, la cour d'appel, qui a néanmoins jugé régulière la communication du dossier pénal, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 463-5 du Code de commerce ;

Alors, subsidiairement et encore, que désavantage de façon significative les parties poursuivies la partialité subjective, même seulement présumée, de la personne chargée d'instruire les poursuites ; qu' eu égard à l'importance des attributions du rapporteur et à son rôle déterminant, lors de l'instruction, la partialité subjective de ce dernier, même seulement présumée, contrevient au principe de l'égalité des armes, peu important qu'il n'ait pas voix délibérative ; que la connaissance, par le rapporteur, des éléments d'une instruction pénale dépassant amplement les faits poursuivis devant le Conseil de la concurrence est de nature à faire naître chez ce dernier un préjugé défavorable affectant son impartialité ; qu'après avoir constaté que le rapporteur avait été admis à consulter le dossier pénal dans son intégralité, de telle sorte qu'il avait ainsi pu prendre connaissance de pièces étrangères aux faits poursuivis devant le Conseil de la concurrence, ce dont il résultait que son objectivité avait pu s'en trouver affectée, la cour d'appel, qui a néanmoins jugé la procédure régulière, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 6 § 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Alors, subsidiairement et enfin, que le respect du secret de l'instruction impose que le juge d'instruction sélectionne personnellement les pièces du dossier pénal qu'il estime en relation directe avec les faits dont est saisi le Conseil de la concurrence ; que la dérogation légale prévue par l'article L. 463-5 du code de commerce à l'article du Code de procédure pénale, ne permet au rapporteur et au Conseil de la concurrence que d'avoir accès aux pièces en lien direct avec les faits dont est saisi le Conseil de la concurrence, à l'exclusion des autres pièces du dossier qui demeurent couvertes par le secret ; qu'ayant constaté que le rapporteur avait été admis à consulter le dossier pénal dans son intégralité, de telle sorte qu'il avait ainsi pu prendre connaissance de pièces étrangères aux faits poursuivis devant le Conseil de la concurrence et couvertes, sans dérogation possible, par le secret de l'instruction, la cour d'appel, qui a néanmoins jugé régulière la procédure de communication de pièces du dossier pénal, pourtant entachée d'irrégularité en raison de la violation du secret de l'instruction, a violé les articles L. 463-5 du code de commerce et 11 du code de procédure pénale ;

Alors, en tout état de cause, que (plus subsidiaire) le juge d'instruction peut communiquer au Conseil de la concurrence les pièces ayant, selon l'appréciation de ce magistrat instructeur, un lien direct avec les faits dont est saisi le Conseil de la concurrence ; qu'en affirmant que le magistrat instructeur avait mis à profit, pour s'assurer de la relation directe des pièces demandées avec les faits dont le Conseil de la concurrence était saisi, le délai écoulé entre l'invitation faite au rapporteur à prendre connaissance du dossier pénal, date à laquelle, par hypothèse, les pièces n'étaient pas encore sélectionnées ni, a fortiori, demandées, et la transmission effective des pièces par le magistrat instructeur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 463-5 du code de commerce.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir approuvé le Conseil de la Concurrence d'avoir décidé qu'ont enfreint les dispositions de l'article L.420-1 du Code de commerce les sociétés DUMEZ CONSTRUCTION SNC et VINCI CONSTRUCTION venant aux droits de GTM-BTP, et d'avoir condamné la société VINCI CONSTRUCTION venant aux droits de GTM-BTP à payer une amende de 185.000,

Aux motifs que «faisant valoir que la décision de jonction prise par le rapporteur général le 14 septembre 2004 ne vise que les saisine du président du CRIF, la société DUMEZ CONSTRUCTION et la SICRA soutiennent que la notification de griefs, qui se fonde quasiment exclusivement sur la saisine d'office du Conseil de la concurrence enregistrée sous le numéro F 889, est entachée de nullité ; que la SICRA ajoute que, n'ayant pas été jointe aux autres, la saisine F 889 est prescrite, faute d'acte interruptif pendant plus de trois ans et que, pour ce qui est des autres saisines émanant du président du CRIF, l'interruption de la prescription relative à ces quatre saisines est devenue sans objet dès lors qu'elles n'ont donné lieu à l'établissement d'aucun grief ; qu'il ressort de la décision qu'ont été instruites les saisines suivantes : -F 883 : les lettres, enregistrées les 18 juin, 22 juillet et 19 septembre 1996, par lesquelles le président du CRIF a dénoncé des pratiques mises en oeuvre lors des appels d'offres pour la reconstruction ou la réhabilitation des lycées : Gustave Eiffel (Rueil-Malmaison), National (La Garenne-Colombes), Professionnel (Jouy—Le-Moutier), Charles Baudelaire et Bâtiment (Evry), Jean Isoard (Montgeron), d'Alembert (Paris) et Gustave Monod (Enghien) ; -F 889 : la saisine d'office du 11 juillet 1996, relative à la situation de la concurrence sur les marchés de conception-réalisation, d'entreprises de travaux publics et d'assistance à la maîtrise d'ouvrage, relatifs aux établissements d'enseignement, lancés par la région Ile de-France ; -P 1127 : la lettre, enregistrée le 2 mars 1999, par laquelle le président du CRIF a dénoncé des pratiques mises en oeuvre lors des appels d'offres relatifs aux marchés de travaux de reconstruction et réhabilitation d'un établissement régional d'enseignement (EREA), dénommé «La tour du Mail», situé à Sannois ; -F 1261 : la lettre, enregistrée le 21 août 2000, par laquelle le président du CRIF a dénoncé des pratiques mises en oeuvre lors de l'appel d'offres pour la réfection de l'étanchéité des toitures –terrasses du lycée polyvalent Fustel de Coulanges à Massy ; -F 1293 : la lettre, enregistrée le 26 février 2001, par laquelle le président du CRIF a dénoncé des pratiques mises en oeuvre lors de l'appel d'offres pour le marché de travaux de réparation au lycée polyvalent Jules Verne à Cergy le Haut ; que par «décision de jonction» datée du 14 septembre 2004, visant les saisines F 883, F 889, F 1127 et F 1261 et F 1293, le rapporteur général a joint les affaires ; qu'il n'importe que, par suite d'une erreur de plume, les motifs de cette décision ne se réfèrent qu'aux saisines du CRIF, cette omission «littérale» devant être rectifiée selon ce que la raison commande, à savoir que le rapporteur général n'avait aucun motif d'exclure de l'instruction commune la saisine d'office F 889 qui coiffait l'ensemble des pratiques dénoncées par le CRIF et qui est expressément visée en tête de la décision ; qu'en cet état, et dès lors qu'un acte tendant à la recherche, la constatation ou la sanction de pratiques anticoncurrentielles, même s'il ne concerne que certaines des entreprises incriminées ou une partie seulement des faits commis, interrompt la prescription à l'égard de toutes les entreprises concernées et pour l'ensemble des faits dénoncés lorsque ceux-ci présentent entre eux un lien de connexité, les moyens tirés de la nullité de la procédure et de la prescription ne sont pas fondés» (cf. arrêt, p. 7 et 8 al. 1).

Alors qu' en cas de divergence entre les motifs et les visas d'une décision administrative, ce sont les motifs qui priment ; qu'après avoir constaté que dans la décision de jonction du rapporteur, la saisine F 889 était mentionnée dans le visa, mais elle ne l'était pas dans les motifs, la cour d'appel qui a néanmoins considéré que la saisine F 889 avait été valablement jointe aux termes de cette décision de jonction, a fait prévaloir les visas sur les motifs, en violation des textes susvisés.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir approuvé le Conseil de la Concurrence d'avoir décidé qu'ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce les sociétés DUMEZ CONSTRUCTION SNC et VINCI CONSTRUCTION venant aux droits de GTM-BTP, et d'avoir condamné la société VINCI CONSTRUCTION venant aux droits de GTM-BTP à payer une amende de 185.000 ;

Aux motifs que «de même, les requérantes ne peuvent utilement soutenir l'absence de dommage à l'économie au prétexte que les prix étaient préalablement arrêtés par le maître d'ouvrage, alors que, ainsi que le Conseil de la concurrence l'a rappelé avec justesse, seul le fonctionnement normal de la concurrence et l'incertitude sur le montant des offres proposées par les concurrents sont de nature à garantir l'obtention du juste prix ; que d'ailleurs, plusieurs responsables d'entreprises (M. X... de la société GTM, M. Y... de la société Bouygues, M. Z... de la société Fougerolle) ont souligné que l'entente garantissait à la société désignée des marges substantielles (supérieures à 10 %, allant selon certains de 15 à 20 %), dépassant celles couramment obtenues dans ce secteur (entre 3 et 6 %), cette différence ne pouvant s'expliquer uniquement par les gains supplémentaires engendrés par la prestation de financement, alors au surplus qu'elles incluaient nécessairement la commission de 2 % versée aux partis politiques ; que M. A..., adjoint de M. Y... de la société Bouygues, a même relaté que, pour le lycée de Mantes-la-jolie, il avait estimé, lorsque l'attributaire désigné lui avait communiqué son offre, que "le niveau de prix était vraiment trop important" et qu'"il y avait un abus manifeste", qu'il avait donc remis une offre inférieure mais que celle-ci avait été rejetée sans explication, puis qu'ayant réitéré cette manoeuvre à l'occasion du marché concernant le lycée Louis-le-Grand, il avait essuyé le même rejet (point 67), ces deux incidents ayant suscité une explication "orageuse" avec M. B..., qui s'était ingénié à faire rejeter son offre bien qu'elle fut vraisemblablement la moins-disante ; que, rapportés au montant global des marchés concernés et à la durée des pratiques, de tels excédents de prix caractérisent un dommage à l'économie exceptionnel» (arrêt, p. 12 ult. § et p. 13, § 1er) ;

Alors que le dommage à l'économie s'entend du rapport entre la perturbation d'un secteur et le gain global que retirent du marché l'ensemble des consommateurs et des entreprises ; qu'en résumant le dommage à l'économie à un supposé surcoût du prix des marchés considérés, sans évaluer l'atteinte portée au gain global procuré par le marché à l'ensemble des consommateurs et des entreprises, pour procéder à l'évaluation du dommage à l'économie, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 464-2 du Code de commerce ;

Alors en outre (subsidiaire) qu'à supposer que le dommage à l'économie se confonde avec un accroissement du coût du marché considéré, il ne peut être caractérisé, tant dans son principe que dans son ampleur, qu'à la condition de déterminer, préalablement, le juste coût du marché ; que en se bornant à énoncer, pour juger le dommage à l'économie constitué et fixer les sanctions en fonction ce paramètre, que « seul le fonctionnement normal de la concurrence et l'incertitude sur le montant des offres proposées par les concurrents sont de nature à garantir l'obtention du juste prix », sans jamais indiquer quel aurait été ce juste prix, la cour d'appel s'est déterminée par un motif impropre à justifier l'existence et mesurer l'ampleur du dommage à l'économie qu'elle devait pourtant évaluer pour fixer les sanctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce.



site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cette décision est visée dans la définition :
Masse


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.